jeudi 18 septembre 2014

Video-surveillance : pourquoi la mairie de Saint-Germain-en-Laye se trompe de politique publique ?

La mairie de Saint-Germain-en-Laye a décidé de dépenser 100 000€ dans le raccordement d'une caméra de video surveillance au réseau de fibre optique, dans la rue de Caraman. Celle-ci a pour objectif de diminuer les actes de délinquance. Malheureusement c'est traiter le problème à l'envers et produire - à l'inverse des effets recherchés - davantage d'insécurité. Pourquoi ?

Mettons tout d'abord les choses en perspective.

Dans le village de nos parents, les liens entre les personnes étaient forts. Les "yeux de la rue" (jane jacobs), comprenez les passants, les riverains, les commerçants, assuraient une sorte de surveillance collective. Les dispositifs techniques avaient donc peu d'intérêt car les gens contrôlaient mutuellement les éventuels débordements des uns et des autres. Aujourd'hui, avec :

- le desserremment du lien social, qui trouve notamment sa cause dans la résidentialisation accrue des quartiers périphériques, avec son corollaire, le fait de passer peu de temps dans son quartier (pour se rendre notamment sur son lieu de travail),

- la volonté légitime des habitants d'échapper au contrôle social du voisinage,

=>les gens ne souhaitent (ou ne peuvent plus) plus s'investir dans la "surveillance" de leur quartier.

Voici pour le diagnostic, passons maintenant aux mesures de politique publique pour pallier à cette carence. Saint-Germain-en-Laye y répond en installant des caméras de video surveillance. J'ai rarement constaté qu'une caméra de video surveillance réinstaurait de la convivialité dans les quartiers. Au contraire, des études très poussées montrent qu'elles ont tendance à "robotiser" le comportement des individus, à renforcer le côté déshumanisé de quartier qui ont au contraire besoin de se "ré-humaniser". Car c'est bien le fond du problème : le lien entre les habitants a tendance à s'estomper. Les politiques publiques peuvent-elles y répondre en installant des caméras de video-surveillance ? Evidemment non. Il s'agit d'une mesure paresseuse et coûteuse qui ne traite pas le problème en profondeur : créer de la mixité fonctionnelle dans un quartier du Bel-Air qui en manque cruellement pour permettre aux habitants de ré-investir leur quartier, d'y passer plus de temps et de remplir cette mission de "surveillance collective" soft et informelle.

Dans ce temps de transition, entre une situation imparfaite et une situation idéale, cela passe par quoi ?

- permettre au tissu associatif local de s'épanouir pour contribuer à la recomposition de ce lien social dont ce quartier manque temps. Ce n'est pas "la soucoupe" en l'état, bunker de la politique sociale et culturelle municipale, qui agit comme un repoussoir par rapport aux initiatives locales, qui peut relancer la machine.
- adopter une profonde attitude d'humilité et d'écoute de la part des élus et des techniciens territoriaux, pour éviter toute solution toute faite, dans laquelle les habitants ne s'y reconnaissent pas et ont encore moins envie de s'y investir.

- faire de la concertation joyeuse et incarnée pour penser le présent et l'avenir de ce quartier.